Jam session au Toulouse Jazz Lab

Au numéro dix-neuf de la rue des Blanchers, une lumière tamisée filtre à travers une vitrine discrète. Quelques marches plus bas, une cave voûtée en briques accueille l’une des scènes les plus excitantes de la ville rose. Toulouse Jazz Lab n’est pas un club comme les autres, c’est un repaire où le jazz retrouve son urgence, sa fougue, sa liberté. Ici, chaque lundi, la semaine démarre sur un tempo bleu nuit.

Toulouse Jazz Lab n’a rien d’un spot formaté. Géré par l’association qui porte le même nom, le lieu cultive une sobriété réjouissante. Un petit bar accueillant et un salon aux canapés moelleux donnent presque l’impression de débarquer dans l’appartement d’un ami. Un verre de vin à la main, chacun prend le temps de s’installer et la soirée se met doucement en place. Des accords de piano flottent dans l’air ; ce n’est pas encore un concert mais une invitation. Les conversations se suspendent à peine et les oreilles se dressent, happées par cette promesse musicale. Petit à petit, visiteurs et musiciens se dirigent vers un petit escalier. Quelques marches plus bas, nous voici dans un autre monde.

Toulouse Jazz Lab, immersion au cœur de la jam

La cave voûtée en briques immerge par son atmosphère. Le lieu est authentique, brut, presque mystérieux. Quant à l’acoustique, elle donne l’impression que les instruments respirent juste à côté de nous. Pas de distance, pas de scène démesurée, pas de barrières invisibles entre ceux qui jouent et ceux qui écoutent. Ici, tout est immédiat. En somme, Toulouse Jazz Lab nous offre du jazz à taille humaine, vivant et sincère. Un lieu où la musique ne se regarde pas de loin mais se partage, se traverse, se reçoit comme un souffle. Un endroit qui rappelle également que les grandes émotions naissent aussi dans des petits espaces, pour peu qu’on sache les faire vibrer.

Aujourd’hui, la jam session démarre par un tribute à l’album Soul Station de Hank Mobley. Les musiciens s’observent, lancent les premières notes puis se jettent avec une audacieuse liberté dans un premier morceau. La contrebasse rebondit au rythme de la batterie, le saxophone dialogue avec le piano. Le public, lui, savoure cette conversation musicale. A mesure que se partagent les improvisations, la cave devient un terrain d’expérimentation où chaque note se fait geste, chaque silence devient une respiration partagée. Et lorsque le morceau se termine, la salle tremble dans un applaudissement qui semble prolonger l’énergie musicale. Les artistes échangent des regards entendus, ajustent leurs instruments, et déjà un nouveau titre débute.

La musique comme expérience à partager

Après quatre morceaux d’hommage au saxophoniste américain, la scène du Toulouse Jazz Lab s’ouvre à tous. C’est là l’essence même d’une jam session : les générations se mélangent, les influences s’entrechoquent et les regards complices remplacent les partitions. Un guitariste prend position face au public. Il lance un standard connu de tous. Hésitant d’abord, le musicien est rapidement rejoint par un pianiste glissant ses notes avec une fluidité surprenante. Chaque artiste, qu’il soit novice ou aguerri, se fond dans cette conversation improvisée où tout peut arriver, si bien que plus tard dans la soirée, un batteur décidera de pousser un chorus plus loin que prévu, emportant tout le monde dans son élan.

Dans le salon de l’étage supérieur, on prend le temps de discuter. Ahmed, professeur de mathématique et saxophoniste autodidacte, nous confie : « J’ai appris le sax à trente-deux ans grâce à des vidéos piochées sur internet. Autant dire que je n’ai pas un grand niveau. Mais il y a deux semaines, je me suis décidé à monter sur scène. C’était ma première jam et jamais je n’avais joué avec de vrais musiciens. Quand j’ai pris mon solo, j’ai tremblé du début à la fin. Les gens m’ont encouragé. C’était un moment musical très fort pour moi. La pression n’est redescendue que lorsque j’ai entendu les applaudissements. Quel pied ! Après, je suis allé boire un verre à l’étage pour me remettre de mes émotions. Des gens sont venus me voir pour me féliciter. On a ri et on a beaucoup parlé ».

Toulouse Jazz Lab, association et scène vivante

Ce qui frappe au Toulouse Jazz Lab, c’est l’absence totale de pose. Pas de nostalgie forcée, pas de discours ampoulé sur l’esprit du jazz. Le lieu existe parce qu’il est habité par des musiciens qui cherchent, qui proposent, qui osent, mais aussi par un public curieux préférant un solo risqué à une performance trop lisse. L’association qui porte le projet fonctionne d’ailleurs dans ce même état d’esprit en organisant des concerts, des jams sessions et des rencontres avec des artistes reconnus, non pas pour se donner une posture mais bien pour créer du mouvement, car la musique est avant tout une aventure humaine, fragile, vibrante et profondément vivante.

Texte et photographies de Stéphane Reynier

Pour en savoir plus :
Toulouse Jazz Lab
19 rue des Blanchers à Toulouse

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