Dressée au cœur du centre-ville de Toulouse, la basilique Saint-Sernin est sans conteste l’un des emblèmes historiques de la ville. Chaque année, des milliers de personnes viennent visiter ce monument religieux, comptant parmi eux des touristes, des passionnés d’architecture, ainsi que des pèlerins venus de toute l’Europe en route vers Compostelle. Mais au pied de l’édifice, tous convergent vers une même entrée : la porte Miègeville.
Située sur la façade sud de l’édifice, cette porte est composée de plusieurs parties architecturales dont un tympan sculpté représentant les grandes lignes du récit biblique. S’il semble difficile d’en dater précisément sa réalisation, le spécialiste de l’art médiéval, Marcel Durliat, estime qu’il aurait été gravé au XIe siècle par le sculpteur Bernard Gilduin. S’agissant du plus ancien tympan gravé de France, d’autres édifices s’en sont par la suite inspirés comme l’abbaye Sainte-Foy de Conques, l’abbaye Saint-Pierre de Moissac ou encore la cathédrale Saint-Étienne de Cahors.
La porte Miègeville nous ouvre son tympan
Surmontant une lourde porte en bois, le tympan de pierre blanche offre à la vue de tous les gravures d’un épisode biblique facilement identifiable, à savoir l’ascension du Christ après sa résurrection. Au centre de cette scène se tient le Christ, les mains tendus vers le ciel, s’élevant grâce au soutien de deux anges. A ses côtés, quatre autres séraphins acclament son arrivée céleste. Sur le linteau situé en bas du tympan, les douze apôtres se tiennent debout, les pieds sur terre et la tête en l’air. Témoins du prodige, ils accompagnent du regard l’ascension de leur Messie. Parmi eux, Saint-Pierre se distingue assez facilement : muni d’une clé, il est le détenteur du sésame du Royaume des Cieux.
Cette gravure longue d’un mètre et demi attire le regard des promeneurs flânant place Saint-Sernin. Les plus curieux n’hésitent pas à s’en approcher pour en apprécier les détails, d’autres se tiennent à distance et au garde-à-vous le temps d’une photographie. Une touriste américaine questionne un guide sur les caractéristiques de l’architecture romane, tandis qu’une femme aux cheveux d’argent se découvre de son chapeau avant de pousser la grande porte pour entrer dévotement dans la basilique. Des étudiants un peu moqueurs s’amusent de ce spectacle quotidien : « Mon Dieu, on est déjà dimanche ? ».
Une mosaïque de scènes bibliques gravées dans la pierre
Devant la porte, une fillette semble intriguée par la présence de deux petits diables aux pieds fourchus et à la langue pendante. Légèrement apeurée, la petite laisse courir son regard sur le reste du bas-relief et découvre avec surprise de nombreux autres personnages. En effet, différentes scènes sont retranscrites sur les chapiteaux, depuis le péché originel d’Adam et Ève jusqu’à l’annonce de l’ange Gabriel à la vierge Marie, parcourant ainsi l’Ancien Testament et ces épisodes mythiques.
À l’époque médiévale, le panel de ces détails réalistes permettait de faire vivre aux fidèles les évènements de la Bible. En transmettant la foi à travers la pierre, la basilique Saint-Sernin s’inscrivait comme un repère spirituel pour les Toulousains. L’historien Pierre de Gorsse indique dans son ouvrage intitulé Les grandes heures de Toulouse, que l’ensemble présente « une force et un relief, un fourmillement de détails qui leur confèrent un réalisme expressif. […] Ces détails montrent la recherche apportée dans la décoration d’un monument, en harmonie avec l’ampleur de l’édifice ».
De par sa finesse de réalisation, la porte Miègeville apparait comme une œuvre symbolique de l’art roman et contribue ainsi à offrir à la basilique Saint-Sernin un atout conséquent quant à l’inscription de l’édifice au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998.
Un article de Solène Taurand
Pour en savoir plus :
– Pierre de Gorsse, Les grandes heures de Toulouse, IV La splendeur romane, Perrin 1978
– Marcel Durliat, Saint-Sernin de Toulouse, Toulouse, Éché 1986
– Olivier Testard, La porte Miégeville de Saint-Sernin de Toulouse : proposition d’analyse iconographique, Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France., t. LXIII (2003), pp. 25-61