Marguerite de Johan Humes

Marguerite de Johan Humes

Avec Marguerite, son premier moyen-métrage, Johan Humes signe un thriller feutré où le malaise s’installe sans fracas mais avec une précision redoutable. Inspiré du récit Comme une poupée de Delphine Coussement, le film s’aventure dans un territoire où l’innocence bascule lentement vers l’enfermement et où l’hospitalité prend les contours d’un conte noir revisité.

L’accident comme seuil d’un autre monde

Le film s’ouvre sur une route déserte où Lucie, lancée à vélo, chute brutalement dans un fossé. La jeune fille, blessée et vulnérable, appelle à l’aide. Elle trouve refuge auprès d’un couple de retraités qui semble sorti d’un temps suspendu. Leur maison isolée paraît flotter hors du réel, dépouillée de toute modernité, rythmée seulement par une radio qui ressasse des airs fanés, le grincement des meubles gémissant sous le poids des années, la présence muette d’un fusil posé sur le piano comme le signe d’un danger latent. Installée dans une chambre presque muséale composée de poupées inertes, crucifix terni et jouets d’un autre âge, Lucie découvre un lieu où la poussière raconte plus que les habitants. Elle croit d’abord à la chance d’avoir trouvé des sauveurs. Le spectateur, lui, devine déjà qu’elle a franchi une frontière invisible.

Un couple de personnages à l’hospitalité dévoyée

Au fil des jours, la relation se dérègle. La vieille femme s’accroche à Lucie comme à une apparition inespérée. Elle la pare, la coiffe, la maquille avec une ferveur presque religieuse, exige qu’elle l’appelle “maman” et fait de sa présence une réparation intime dont Lucie ignore tout. Le vieil homme demeure plus conciliant, presque tendre, mais sa douceur finit par se fissurer, laissant filtrer un trouble qu’on ne peut nommer. Même le lieu semble malaisant, pas un voisin, pas une voiture, aucun contact extérieur. Dans cet isolement radical, Lucie perd ses repères et son silence contraint nourrit l’emprise du couple. Le temps devient une matière gluante, impossible à mesurer, rendant l’angoisse encore plus sourde.

Marguerite est un huis clos, un territoire de dérive

Johan Humes filme cette lente spirale avec une sobriété qui renforce chaque frisson. La mise en scène respire par le hors champ qui laisse entendre le tic-tac obstiné d’une horloge invisible, les crissement du gravier dans l’allée du jardin, la radio qui obsède autant les personnages que les spectateurs. Tout semble conspirer pour enfermer Lucie dans une atmosphère de plus en plus irrespirable. Lorsque le couple capture au Polaroïd le visage de la jeune fille transformé en celui d’une poupée docile, l’image s’impose comme un verdict : Lucie n’est plus seulement hébergée, elle est appropriée. Les références discrètes au conte de Hansel et Gretel renforcent cette sensation de glissement vers un imaginaire archaïque où la douceur se teinte de menace. La maison isolée devient un piège.

Johan Humes : un scénariste qui choisit le trouble plutôt que le cri

Avec Marguerite, Johan Humes ne cherche pas le sensationnalisme. Il privilégie l’atmosphère, l’insidieux, le frémissement sous la peau. Son thriller avance sans tapage mais laisse derrière lui une impression durable, presque poisseuse, comme un rêve dont on ne parvient pas à s’extirper. Pour un premier moyen-métrage, la maîtrise est déjà là, solide et singulière. Marguerite marque l’émergence d’un cinéaste qui sait que la peur ne naît pas des cris, mais de ce qui les précède.

Pour en savoir plus :
Johan Humes

Equipe du film :
Comédiens
: Emma Joncquez, Pascale Baraffe, Jean Michel Dubreuil, Cindy Loll, Angel Rodriguez Jr, Céline Cheuret, Angeline Gau, Joëlle Michel. 

Techniciens : Johan Humes, Claire Massol, Alexandre Planiol, Équipe NOTHING2LOSE 

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